- histoire de la bande dessinée chinoise, le manhua (1) -
Avec l’ouverture de la Chine, la bande dessinée du pays commence rapidement à subir les influences de l’étranger, et plus particulièrement du Japon où les artistes de manga (la prononciation japonaise pour les sinogrammes 漫画) sont très prolifiques depuis l’après-guerre. Le terme manhua est donc un emprunt au voisin nippon bien qu’il existait déjà auparavant pour désigner les dessins humoristiques et autres caricatures satiriques que l’on retrouve aujourd’hui dans la presse écrite et dont il ne sera pas question ici. Le manhua, en tant que bande dessinée, qui se rapproche davantage de la BD franco-belge que nous connaissons, se distingue des lianhuanhua traditionnels par le fait que les textes sont désormais systématiquement intégrés à l’image grâce aux « bulles » et qu’on ne se limite plus à une seule illustration par page. La juxtaposition des dessins y est inspirée par le cinéma et on utilise donc les différents plans de caméra habituellement utilisés dans le septième art. Dans le monde chinois, c’est à Hong-Kong et à Taiwan, plus perméables aux influences japonaises et où règne une plus grande liberté artistique, qu’apparaît d’abord le manhua.
Le manhua hongkongais
Ainsi, dans la colonie britannique, l’afflux d’immigrants venu du continent dans les années 50 et 60 permet au marché de la bande dessinée de prospérer, surtout quand on considère la masse de lecteurs que représente la génération du baby-boom. Des titres locaux et étrangers (américains et japonais notamment) s’y côtoient et se font concurrence. L’œuvre hongkongaise la plus populaire à une époque où la télévision n’existait pas encore est incontestablement Uncle Choi (财淑 - voir image) de Hui Guan-man. Celle-ci raconte, sur un ton tantôt comique tantôt grave, l’histoire d’un vieil homme qui devient un héros pendant la guerre contre les Japonais. En 1962 commence la parution du Old Master Q (老夫子 ) de Alphonso Wong (王家禧) qui met en scène ses personnages dans des situations comiques. Vraisembablement inspirée de M. Wang de Ye Qianyu, cette série ne manque pas de se faire l’écho des préoccupations la société hongkongaise et, dans certains numéros de la fin des années 80 par exemple, les protagonistes expriment leurs craintes vis-à-vis de la rétrocession de la future ex-colonie à la Chine.


Dans les années 80, Ma Wing-shing (马荣成), inspiré par les romans de cape et d’épées, donne ses titres de noblesse au manhua hongkongais avec Chinese Hero (中华英雄) qui se caractérise par son style surréaliste et ses planches en couleur. Cette série culte raconte les aventures de Wah Ying-hung, un jeune homme qui se met à étudier les arts martiaux afin de venger ses parents assassinés. Ce manhua rencontre un succès immédiat auprès du public, le premier numéro ayant été vendu à plus de 200 000 exemplaires. Le style de Ma Wing-shing est alors imité par de nombreux auteurs hongkongais. La série Young and Dangerous (古惑仔) débute en 1992 et explore l'univers des triades. On assiste ensuite à une vague de manhua à connotation érotique qui va pousser une nouvelle fois le gouvernement à légiférer. À partir de 1995, les BD aux contenus "inappropriés" sont désormais vendus dans un emballage plastique. Dans un tout autre style, Alice Mak (麥家碧) et Brian Tse (謝立文) rencontrent un grand succès, aussi bien auprès des grands que des petits, avec leurs séries McDull (麦兜) et McMug (麥嘜). Celles-ci, dessinées dans un style très enfantin, mets en scène une famille de petits cochons et leurs amis et aborde des thèmes sociaux allant du chômage aux familles monoparentales.
