- histoire de la bande dessinée chinoise, la BD selon le maoïsme (2) -
Lianhuanhua et Révolution culturelle
La période qui suit la libération est donc marquée par une véritable prolifération de lianhuanhua, cet art ayant reçu la bénédiction officielle du nouveau pouvoir, de nombreux artistes s'orientent désormais dans la BD. Malgré tout, à la veille de la Révolution culturelle, il ne manque pas d'œuvres qui s’écartent à leur façon du mot d’ordre général de lutte révolutionnaire pour la construction du socialisme, censé présider à toute création artistique. C’est précisément ce laxisme, depuis le mouvement des Cent Fleurs, qui est attaqué dès 1966. La condamnation s’étend à presque toutes les bandes dessinées publiées avant la Révolution culturelle et à leurs auteurs, la production connaît alors une chute vertigineuse. Les plus célèbres d’entre eux, parmi lesquels He Youzhi, ne sont pas épargnés. De 1967 à 1969, les rayonnages des librairies et des bibliothèques de quartier se vident de leurs petits livres. Seuls quelques vies de prolétariens et autres récits de la chasse aux agents secrets du Guomindang sont occasionnellement publiés. Les bandes dessinées prennent alors une forme différente, elles fleurissent sur les affiches murales et dans les journaux de gardes rouges vendus à la criée. Il s’agit immanquablement de satires féroces des dirigeants, à tous les niveaux, accusés d’avoir suivi la ligne de Liu Shaoqi, le « Khrouchtchev chinois ».
La prise de la montagne du tigre par ruse
Le IXe congrès du Parti communiste chinois, en 1969, confirme la prééminence du noyau dur de la Révolution culturelle. Il introduit une période de relative stabilité au cours de laquelle des opéras modernes sont révisés par Jiang Qing, la femme de Mao Zedong, et baptisés « opéras révolutionnaires modèles » (geming yangbanxi, 革命样板戏). Toute création littéraire est alors appelée à s’en inspirer. La prise de la montagne du tigre par ruse (智取威虎山), premier lianhuanhua révolutionnaire à paraître en 1970, est tiré de l’une de ces pièces. Il en garde le titre et toutes les caractéristiques qui sont adaptées au genre spécifique que représentent les petits fascicules. On salue la naissance de son personnage principal, Yang Zirong, archétype du Héros révolutionnaire prolétarien. Dans cette œuvre, scénaristes et illustrateurs ont obéi à la règle des trois contrastes (santuchu, 三突出) : parmi tous les rôles faire ressortir les personnages positifs, parmi les personnages positifs faire ressortir les héros, et parmi les héros faire ressortir le héros principal.
La publication de bandes dessinées reprend à partir de 1971, date à laquelle un document de Zhou Enlai encourage la production de « nourriture spirituelle » pour les prochaines générations. D’autres opéras révolutionnaires modèles sont adaptés en bandes dessinées. Le détachement féminin rouge (红色娘子军), par exemple, raconte l’aventure d’une jeune paysanne qui quitte son village pour rejoindre la Longue Marche et qui découvre que l’armée est sa véritable famille. À partir de 1972, le mouvement s’accélère, la production se diversifie et augmente de façon considérable. En 1973, le Journal des bandes dessinées, dont la publication avait été interrompue en 1961, reparaît. Les récits sont alors, dans leur grande majorité, dédiés à la Révolution bien que quelques histoires traditionnelles sont également disponibles en éditions révisées, dans la mesure où elles peuvent contribuer positivement à la formation idéologique des lecteurs. Ainsi, des lianhuanhua tels que Maître Dongguo (东郭先生 - voir extrait à gauche) de Liu Jiyou sont présentés comme des exemples réussis de récits présentant l’irréductibilité de la lutte des classes. Les dessins de quelques dessinateurs de renommée commencent à réapparaître dans des œuvres de commande au service des campagnes idéologiques qui jalonnent cette époque. He Youzhi se livre, par exemple, à une critique virulente de Confucius dans Le cadet Kong, une vie de péchés (孔老二,罪恶的一生 - voir couverture ci-dessous).
La période qui suit la libération est donc marquée par une véritable prolifération de lianhuanhua, cet art ayant reçu la bénédiction officielle du nouveau pouvoir, de nombreux artistes s'orientent désormais dans la BD. Malgré tout, à la veille de la Révolution culturelle, il ne manque pas d'œuvres qui s’écartent à leur façon du mot d’ordre général de lutte révolutionnaire pour la construction du socialisme, censé présider à toute création artistique. C’est précisément ce laxisme, depuis le mouvement des Cent Fleurs, qui est attaqué dès 1966. La condamnation s’étend à presque toutes les bandes dessinées publiées avant la Révolution culturelle et à leurs auteurs, la production connaît alors une chute vertigineuse. Les plus célèbres d’entre eux, parmi lesquels He Youzhi, ne sont pas épargnés. De 1967 à 1969, les rayonnages des librairies et des bibliothèques de quartier se vident de leurs petits livres. Seuls quelques vies de prolétariens et autres récits de la chasse aux agents secrets du Guomindang sont occasionnellement publiés. Les bandes dessinées prennent alors une forme différente, elles fleurissent sur les affiches murales et dans les journaux de gardes rouges vendus à la criée. Il s’agit immanquablement de satires féroces des dirigeants, à tous les niveaux, accusés d’avoir suivi la ligne de Liu Shaoqi, le « Khrouchtchev chinois ».

Le IXe congrès du Parti communiste chinois, en 1969, confirme la prééminence du noyau dur de la Révolution culturelle. Il introduit une période de relative stabilité au cours de laquelle des opéras modernes sont révisés par Jiang Qing, la femme de Mao Zedong, et baptisés « opéras révolutionnaires modèles » (geming yangbanxi, 革命样板戏). Toute création littéraire est alors appelée à s’en inspirer. La prise de la montagne du tigre par ruse (智取威虎山), premier lianhuanhua révolutionnaire à paraître en 1970, est tiré de l’une de ces pièces. Il en garde le titre et toutes les caractéristiques qui sont adaptées au genre spécifique que représentent les petits fascicules. On salue la naissance de son personnage principal, Yang Zirong, archétype du Héros révolutionnaire prolétarien. Dans cette œuvre, scénaristes et illustrateurs ont obéi à la règle des trois contrastes (santuchu, 三突出) : parmi tous les rôles faire ressortir les personnages positifs, parmi les personnages positifs faire ressortir les héros, et parmi les héros faire ressortir le héros principal.

