- histoire de la bande dessinée chinoise, introduction -
Je vais tenter, au cours de ce dossier, de vous faire une petite présentation générale de la BD chinoise. En effet, celle-ci ne se résume pas uniquement aux œuvres récentes qui nous sont disponibles en France et son histoire, d'une certaine manière, se situe à cheval entre celle de la littérature et celle de la peinture. Des fresques de Dunhuang aux réalisations contemporaines, en passant par les romans illustrés, les bandes dessinées chinoises peuvent se présenter sous des formes aussi diverses que variées. Et c'est précisemment ce que laisse penser l’auteur américain Scott McCloud, qui définit cet art comme étant la « juxtaposition volontaire d'images picturales et autres en séquences destinées à transmettre des informations et/ou à provoquer une réaction esthétique chez le lecteur. »1 En Chine, on parle de lianhuanhua (连环画), de xiaorenshu (小人书), de gongzaishu (公仔书) ou, plus récemment, de manhua (漫画). Ce sont certes des œuvres graphiques mais, loin d’être coupées de l’écriture, elles y renvoient puisque les idéogrammes chinois sont des signes qui rendent visuellement l’idée des mots. Entre cette suite d’images significatives qu’est l’écriture et les « images enchaînées » que sont les bandes dessinées, il y a donc une certaine continuité qui se caractérise par un même trait d’encre et un même déplacement linéaire du regard au fil du récit.
Ce dossier va se structurer en quatre parties qui, bien que ce soit un cheminement un peu linéaire, vont essayer de correspondre aux grandes évolutions historiques de la BD chinoise. Donc pour commencer, nous verrons quels sont les antécédents les plus anciens des lianhuanhua à travers les fresques murales de Dunhuang (敦煌) ou encore les peintures sur rouleaux horizontaux de la dynastie des Jin de l’Est. Nous nous pencherons ensuite sur l’apparition des romans graphiques et des bandes dessinées dans la presse écrite qui donneront naissance aux lianhuanhua proprement dits. Il s'agit alors de petits livres ne contenant qu'une seule image par page, sous laquelle figure un court texte narratif. Puis nous verrons comment le régime communiste reprendra cette forme de littérature dont l'évolution, lors de cette période, est étroitement liée aux mouvements politiques qui jalonnent la seconde partie du XXe siècle. Enfin, je tenterai de présenter les caractéristiques du manhua à la chinoise, qui épouse une conception de la bande dessinée qui correspond davantage à celle que nous avons en Occident, à travers les tendances que l’on a pu observer à Hong-Kong, à Taiwan et, plus récemment, en Chine populaire.
1. Scott McCloud (trad. Dominique Petitfaux), L'Art invisible, Vertige Graphic, 1999, p.17