- histoire de la bande dessinée chinoise, le manhua (2) -
Le manhua à Taiwan
À Taiwan, île cédée au Japon en 1895, le style noir et blanc du manga exerce très tôt son influence et laisse peu de place aux lianhuanhua traditionnels. Cette tendance se confirme à l’issue de la Seconde guerre mondiale. En 1953 paraît le premier numéro de Camarade (学友), un magazine destiné aux enfants. Ce périodique publie des œuvres de Chen Dingguo et de Chen Guangzhao qui dépeint ici, dans un style enfantin, une histoire de cape et d’épée qui a tenu en haleine toute une génération de Taiwanais. Dans le même genre, mais réalisé dans un style plus réaliste et destiné à un public plus mature, Chen Haihong crée la Tornade de petits héros (小侠龙卷风). Cette période se caractérise donc par la prédominance de la BD de cape et d’épée (wuxia manhua, 武侠漫画), et les magazines spécialisés se multiplient pour constituer ce que l’on considère comme étant l’âge d’or du manhua taiwanais.
Cet engouement ne tarde pas à attirer l’attention des parents et des autorités qui publient, en 1962, une loi pour censurer les bandes dessinées. Ce texte, peaufiné dans les années qui suivent, ne sera réellement appliqué que vers 1966, mais elle décime totalement l’industrie de la BD taiwanaise. De nombreuses maisons d’éditions et autres magazines se voient ainsi obligés de mettre la clef sous la porte, et les bandes dessinées publiées antérieurement sont retirées des rayons. Beaucoup d’auteurs décident alors de changer de profession et la qualité des œuvres produites à cette époque est en général assez médiocre. Les publications japonaises exercent alors un monopole sur le marché taiwanais.
Ce n’est que dans les années 80 que la situation s’améliore quand des quotidiens commencent à publier des manhua d’artistes locaux. La maison Wuloong (乌龙院 - voir image), de Ao Youyang fait son apparition dans le China Times en 1983. Il s’agit d’une parodie de films de kung-fu dont le succès va relancer l’intérêt du public pour la bande dessinée. Cai Zhizhong fait partie de ces talents qui surfent sur cette nouvelle vague, il entame ainsi en 1985 sa série Zhouangzi a dit (庄子说), qui se fait l’écho de la pensée de ce philosophe de l’Antiquité par le biais de dessins aux traits simplistes. Zheng Wen, avec Biographies d’assassins (刺客列传), renoue avec la tradition du manhua de cape et d’épée en adaptant cette partie des Mémoires historiques de Sima Qian à l’aide d’illustrations réalisés à l’encre de chine et d’un réalisme à couper le souffle. Son immense talent lui permet de poursuivre sa carrière au Japon et il est considéré aujourd'hui comme l'un des grands maîtres incontestés du manhua taiwanais. Aujourd'hui, des auteurs comme Ping Fan (平凡) et Chen Shufang (陈淑芳), dont les illustrations se sont très vraisembablement inspirées de la peinture traditionnelle chinoise, font partie de ceux qui représentent le mieux Taiwan dans le domaine du manhua.
